Bertrand Bussière | Publié le22/12/2021
Alors que la population vieillit, le manque d’auxiliaires de vie devient un enjeu d’avenir pour pouvoir rester à domicile. Les employeurs peinent d’autant plus à recruter que l’augmentation salariale annoncée en septembre par le gouvernement ne s’applique qu’aux salariés du secteur associatif. Deuxième volet de notre enquête dans le Douaisis.
À 41 ans, Candice, une Somainoise, a vécu trois vies professionnelles : vendeuse dans un commerce, employée dans la logistique, conductrice de bus. Une quatrième vie se fait jour : technicienne de l’intervention sociale et familiale (TISF). Dans vingt-deux mois, aux termes de son contrat professionnel, si elle n’a pas rendu son tablier d’ici là – inenvisageable tant elle se dit motivée –, la quadragénaire sera CDIsée dans les effectifs de l’Association familiale d’aide à domicile (AFAD) du Douaisis, une association intervenant dans les soixante-quatre communes du Douaisis. Sa mission ? Accompagner des familles ou toute personne pour leur permettre de surmonter leurs difficultés, de garder ou retrouver leur autonomie, de s’insérer ou de réinsérer dans la vie sociale… Pas une sinécure. Mais rien qui n’effraie Candice, Nicole, Thomas… Ils sont cinq sur la ligne de départ, ce jour-là, dans les locaux de l’AFAD du Douaisis, un sourire jusqu’aux oreilles derrière leur masque.
« Auxiliaire de vie, c’est un métier que j’adore »
Cette nouvelle vie, ils l’ont choisie en connaissance de cause. À 52 ans et une carrière dans la restauration, la direction d’un hôtel-restaurant, un passage éclair dans une école d’infirmière, et, pour finir, quatre ans en tant qu’auxiliaire de vie auprès des enfants, Nicole voulait passer à autre chose. Enfin, pas tout à fait. « Auxiliaire de vie, c’est un métier que j’adore. Mais je ne voulais plus le faire auprès des enfants », dit-elle à son auditoire. Fatima Chagar, la directrice de l’AFAD du Douaisis, Alain Belfer, le président de la structure, et bien d’autres personnes, dont Patrice Desplechin, président de la FRAAP/CSF (Fédération régionale des associations d’aide familiale populaire/Confédération syndicale des familles) sont là pour les écouter. Sont aussi présents les tuteurs qui vont les conseiller, leur remonter le moral, les remotiver, durant la formation. Une formation entrecoupée de temps pédagogique au Crefo, un organisme de formation, et en entreprise, à l’AFAD du Douaisis.
Autant dire que Fatima Chagar voit d’un bon œil arriver dans les effectifs ces futures TISF, dénommées travailleuse familiales jusqu’en 1998. « Nous avons une quarantaine de TISF et d’AES (accompagnant éducatif et social), explique-t-elle. Ce n’est pas assez pour accompagner de quatre à cinq cents familles par an sur le territoire. Pour tout vous dire, trois TISF en partance pour la retraite restent car le service en a besoin. » Pour fonctionner sans se mettre dans le rouge, il faudrait recruter « dix TISF et cinq à dix AES » en dépit « d’une réduction de l’activité due à la crise Covid », conclut la directrice.
Pourquoi cette formation
« La Région ne forme que 105 techniciennes de l’intervention sociale et familiale (TISF) ; 50 % arrêtent au bout d’un an. » Patrice Desplechin, président de la FRAAP/CSF, dresse le constat d’une situation qui ne pouvait plus durer. D’autant que « les candidats qui viennent à nous ne correspondent pas à l’éthique de l’établissement », dit pour sa part Fatima Chagar, directrice de l’AFAD du Douaisis, pointant du doigt l’Institut régional du travail social Hauts-de-France (IRTS) qui dispense la formation qui comporte 950 heures d’enseignement théorique et 1 155 heures de formation pratique sous la forme d’au moins deux stages.
Au tour des accompagnants éducatif et social (AES) ?
C’est la raison pour laquelle, la FRAAP/CSF ainsi que l’URAFAD (Union régionale des associations familiales d’aide à domicile) se sont fédérées pour faire face à cette difficulté récurrente. En mars 2020, une négociation avec le Groupement d’employeurs pour l’insertion et la qualification (GEIQ) des Hauts-de-France a débouché sur ce nouveau contrat de professionnalisation (avec 2 000 heures de tutorat) qui, outre l’AFAD du Douaisis, va pourvoir en employés qualifiés d’autres Services d’aide à domicile (SAAD) de la région.
Ce sont près de cinquante recrutements qui seront mis en œuvre sur le territoire des Hauts-de-France. La Normandie leur a emboîté le pas. D’autres sessions devraient suivre dans notre région. Patrice Desplechin n’exclut pas d’étendre le dispositif contrat de professionnalisation aux AES (accompagnant éducatif et social), le nouveau nom de la formation auxiliaire de vie sociale.